Une bien émouvante relique fait son entrée au Musée.
Ce 29 mars 2016, c’est d’une façon bien anodine que Monsieur Allard, grand ami du Musée de l’Aviation de Warluis, nous a déposé une relique,.
L’enquête:
Qu’elle est cette pièce? d’où vient-elle?
C’est manifestement une partie d’avion. Le lieu est connu, ce morceau vient du lieu-dit « Le Bois Boullot-Méru » à Le Quesnel-Aubry. Dans ce secteur, en 1940, trois appareils sont tombés à très peu de distance l’un de l’autre: Le 31 mai 1940 un Douglas DB7, le 5 juin 1940 un Dewoitine D-520 et un Messerschmitt BF-109. C’est le moment de faire fonctionner notre réseau de passionnés.
La recherche sera rapide, et l’élément est vite identifié. Il s’agit de l’extrémité de la partie mobile de la profondeur du fleuron de l’aviation de chasse de l’Armée de l’Air en ce début de seconde guerre mondiale, un Dewoitine D-520.
Sur la photo ci-dessous, visualisation de l’un des deux emplacements possible sur le Dewoitine D-520 n°862, actuellement exposé au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget.
Le type d’appareil étant à présent déterminé, le point de chute connu, il est temps de nous plonger dans notre documentation. Voici l’histoire.
La disparition du D-520 n°240 et de son pilote:
Le 5 juin 1940 décolle de Meaux-Esbly une patrouille triple réduite à 8 appareils de l’escadrille « France » du GC 2/7, équipé depuis quelques jours de tout nouveaux Dewoitine D-520.
Parmi les pilotes de la patrouille intermédiaire, le D-520 n°240, piloté par le sous-lieutenant Camille Louis.
Alors que les français se trouvent entre Compiègne et Estrée Saint Denis en direction de Bray-sur-somme pour une mission de protection sur zone, débouche du soleil 15 Messerschmitt Bf-109 E, eux-même couverts par 25 autres appareils.
Dès la première passe, l’appareil de Camille Louis est aperçu tombant moteur hurlant, le pilote étant sans doute tué sur le coup. Son possible vainqueur le Lt Rudolf Kraffschick sur Bf 109 E.
S/Lt Camille Louis, né le 26 mai 1916 à Aingeray (54), breveté n°26019 le 30/09/1937 à Angers, école CFA, DGC, mort pour la France le 5 juin 1940, il venait d’avoir 24 ans.
Germaine L’Herbier-Montagnon mène l’enquête:
Peu après l’armistice, Germaine l’Herbier-Montagnon, Infirmière Pilote Secouristes de l’Air, les fameuses I.P.S.A. de la Section « Aviation » de la Croix-Rouge française, part à la recherche des aviateurs français disparus en mission. Ses enquêtes la font tout naturellement se pencher sur les appareils tombés dans le secteur du Quesnel-Aubry.
Elle retrouve les tombes de l’équipage du DB7 ainsi que celle d’un autre pilote non-identifiable. L’équipage du Douglas étant identifié, le pilote du BF-109 prisonnier, ne restait qu’une solution qui fut confirmée par la découverte d’un morceau de l’appareil portant le numéro 240 en octobre 1941 puis au printemps 1942 un portefeuille contenant ses papiers.
Le corps du pilote fut par la suite transféré dans le caveau familial à Aingeray (54) en janvier 1950.
Voilà un petit pan de notre histoire locale qui remonte grâce à ce que d’aucuns non avisés appelleraient « un bout de ferraille » mais que nous préférons appeler un morceau de mémoire.
A la lecture de ces quelques lignes, et lorsque vous vous trouverez devant cette pièce, il est fort à parier que votre pensée ira vers ces terribles années noires et à ce pilote.
C’est cela le devoir de mémoire de notre musée, ne pas oublier, apprendre et transmettre….
Sources:
- Les amis des Aéroforums (Sosthene Billault, Pierre Dumollard, Pascal Gaste, Lucien Morareau et Jean Robin)
- « La Guerre 39-45 dans le ciel de l’Oise » – Marcel Mavré (Éditions Delattre)
- « Disparus dans le ciel – Germaine L’Herbier-Montagnon (Fasquelle, Éditeurs)
- « Ceux de la bataille de France » – Jean Robin